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PAUL VERLAINE

ajoute, s’adressant à la petite, devenue femme, maman sans doute, grand’mère même, et ignorée, perdue dans le torrent de la vie, morte peut-être et ne survivant que dans l’âme du poète :


Madame, si jamais ces lignes vous tombent sous les yeux, vous sourirez complaisamment, n’est-ce pas ? comme faisaient les témoins de nos pures amours d’enfance, et comme il m’arrive de le faire moi-même, à ces souvenirs tout frais, tout parfumés encore d’innocence et de primesaut, soudain éclos dans la mémoire, tout étonnée d’un charme exquis, du poète qui voudrait, hélas ! n’avoir que de pareilles choses douces et sincères à raconter… (Confessions. lre partie.)


Les existences, comme les fleuves, n’ont que près de leur source la limpidité. Ces souvenirs délicats et purs ne se retrouveront que rarement dans la biographie, lourde et bourbeuse, du Daphnis de 1850, et Chloé n’apparaîtra qu’une fois encore à ses côtés, aux heures trop brèves de la Bonne Chanson.

Verlaine habita Metz, avec ses parents, à deux reprises. Les souvenirs qu’il a notés, après de longues années d’éloignement, se rapportent à son second séjour. Peu de temps après la naissance de son fils, le capitaine Verlaine changea de garnison. Il se rendit à Montpellier. Verlaine n’a conservé qu’une très confuse image de la grande ville méridionale. Il se rappelait seulement, peut-être était-ce une réminiscence de lectures, ou un écho vague de conversations familiales, les processions religieuses, impressionnant et bizarre spectacle, avec les pénitents blancs, gris et noirs, défilant par les rues, la tête enveloppée de la sinistre cagoule, dans des allures de fantômes, évoquant des temps d’Inquisition.

Il éprouva, à Montpellier, deux de ces accidents, qui, par leurs circonstances et les commentaires qu’ils entraî-