Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/541

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« taper » son éditeur. Celui-ci, « pour le principe », disait-il, ne voulait lâcher une ou deux pièces de cinq francs qu’en échange d’un morceau de copie. Verlaine tirait alors de son portefeuille une « invective », ou bien il en improvisait une au café voisin, et l’éditeur versait les subsides implorés. Mais la moitié au moins de ces scories poétiques devait être rejetée au creuset. Ces Invectives pouvaient se citer dans une arrière-salle de brasserie, entre poètereaux débineurs ; leur apparition au grand jour a été une véritable trahison envers la mémoire du poète, et un obstacle, momentané sans doute, mais sérieux, à sa glorification sur la place publique. Le sénateur Cazot notamment, questeur du Sénat, se croyant malmené, alors qu’il s’agissait, dans l’Invective visée, du magistrat Cazeaux, a empêché qu’on accordât un emplacement dans le jardin du Luxembourg, pour le buste du poète.

Paul Verlaine eut un instant l’idée, sans doute suggérée par quelque plaisant compagnon de beuverie, de se présenter à l’Académie.

Notez qu’il n’y avait rien là d’irrévérencieux envers la docte compagnie. C’était plutôt un hommage que le poète bohème rendait à l’Institut, plus souvent attaqué et ridiculisé dans les cénacles juvéniles du quartier. Je dissuadai de mon mieux le candidat, et je pris la peine d’expliquer au public, dans un article de l’Écho de Paris, qu’à mon avis, Verlaine avait tous les titres littéraires pour siéger sous la coupole, entre ses amis, François Coppée et José-Maria de Heredia, mais qu’il y avait, pour entrer parmi les Quarante, des conditions de régularité d’existence, de fréquentation, de correction, indispensables, lesquels titres faisaient entièrement défaut au postulant, et l’empêcheraient d’être élu. On est admis à l’Académie, autant pour les œuvres qu’on a pu faire que