Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
ENFANCE

pouvait s’habituer à envisager. Il résistait donc à la réalisation conseillée.

Il espérait toujours un retour de la hausse, et mon père ne put que difficilement le décider à vendre, tandis qu’il était encore temps. Le Crédit Mobilier, en effet, dégringolait tous les jours. On ne savait où s’arrêterait cette cascade de cours de plus en plus bas.

Grâce à cette vente, malheureusement trop différée, accomplie presque au dernier moment, une partie de la fortune des Verlaine fut préservée, mais l’actif n’en était pas moins diminué. Je crois me souvenir que le capitaine Verlaine vendit aux environs du cours de 700 francs. D’où une réduction sensible de son capital. Il fit encore deux ou trois fâcheuses spéculations. Il avait conservé un excellent souvenir de l’Espagne, où il avait fait campagne. Cela le détermina à placer des fonds sur les chemins de fer de Séville-Xérès, aux mains des fils de Guilhou, dont la dépréciation fut rapide et importante.

Ces pertes de Bourse précipitèrent la fin du capitaine. Il mourut, le 30 décembre 1865, des suites d’une attaque d’apoplexie. J’ai dit le très vif chagrin de Paul. Son père, bien qu’un peu sévère et bougonnant, habitude soldatesque, l’aimait tendrement. Il lui avait donné cent preuves répétées de son affection durant son enfance. Ce fut la première douleur du poète.

Mme  Verlaine mère était une femme d’assez haute taille, maigre, droite, élancée, au maintien digne, d’allure froide et calme. Elle était toujours vêtue de noir, même du vivant de son mari. Ayant une parenté nombreuse, souvent elle devait porter le deuil, et, par économie, usait ses robes sombres. Elle était pieuse, économe, très respectable sous tous les rapports. Elle avait conservé dans la vie de Paris ses manières de provinciale et de