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PAUL VERLAINE

femme d’officier. Elle affectait un air cérémonieux dans les relations ordinaires, même les plus simples. On lui trouvait l’air très « comme il faut » dans le quartier des Batignolles. Elle parlait peu, posément, et avait de petites manies, comme, par exemple, dans les dîners bourgeois où elle se rendait, de garder toujours sur la tête son chapeau à grandes brides de moire grise. Elle n’entendait rien à la littérature, et elle admira toujours les œuvres de son fils, sans les comprendre. Je ne suis pas sûr qu’elle les ait jamais lues.

Elle adorait son Paul, le gâtait, et lui pardonnait tout. Par la suite, elle eut bien souvent à se repentir de sa trop grande indulgence, et en silence elle souffrit des écarts du garçon, mais elle n’osait le gronder, quand il rentrait gris, ce qui était assez fréquent.

Elle l’aidait à se coucher, le soignait, lui apportait de l’eau sucrée et de la tisane, puis elle se retirait dans sa chambre et se mettait à pleurer. Mais elle avait toujours, le lendemain, des paroles d’indulgence pour réconforter le cher ivogne, pour l’excuser, et rejeter sur les camarades, dont j’étais, les excès de boisson auxquels Verlaine se livrait très spontanément, en toute liberté, sans pression et sans y être nullement entraîné par l’exemple de ses compagnons, car nous étions loin de nous abreuver comme lui. Quelques-uns de nos amis étaient, au contraire, excessivement sobres : L. Xavier de Ricard ne buvait que de l’eau ; Coppée, Dierx n’allaient au café que pour se rencontrer et causer.

Mme Verlaine n’a pas quitté son fils jusqu’à son mariage. Ils vécurent ensemble rue Lécluse, 26, après la mort de M. Verlaine. Depuis, elle l’a accompagné dans ses séjours chez leurs parents du Nord, et elle l’a rejoint à plusieurs reprises au cours de ses caravanes