Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/122

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sorte, que les chemins vont être bloqués pendant plusieurs jours. Certainement, Antoinette, ton père n’arrivera pas demain.

« Quel bienheureux répit ! » fut sans doute la pensée intime des trois personnages, mais aucun d’eux n’osa l’exprimer. Seulement, Sternfield en prit occasion pour s’informer avec un semblant d’intérêt de la distance que l’on marquait entre Valmont et Montréal. Quelque temps après, madame d’Aulnay fit sonner le souper qui fut promptement servi. Chacun continuait d’affecter un calme qu’aucun d’eux n’éprouvait, et une autre heure s’écoula dans ces tentatives infructueuses. Enfin, par un regard jeté vers l’horloge, Lucille avertit tacitement le militaire qu’il était temps de se retirer.

Celui-ci, après lui avoir serré la main et renouvelé ses sentiments de gratitude, se tourna vers Antoinette, et, la pressant dans ses bras, murmura à ses oreilles :

— Ma femme ! ma chère femme !

Pendant un moment elle appuya sa belle tête sur l’épaule de celui qui venait d’être constitué son mari. Tout-à-coup, avec un sanglot étouffé :

— Audley ! Audley ! dit-elle, ne me faites jamais repentir de l’irrévocable union que j’ai contractée ce soir.

Un embrassement fut sa seule réponse. Il se retira d’un pas léger et l’air plein d’un fier triomphe qui n’était certainement pas un reflet de la figure de ses compagnes.

— Viens te reposer, mon Antoinette ! dit madame