Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/219

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n’en est pas une… Mais, quoi ! vous baissez la tête en signe de dissentiment. Dites-moi donc alors quel est l’obstacle qui nous sépare comme un fleuve ? Laissez moi au moins la triste satisfaction, la pauvre consolation accordée au plus grand criminel, celle de savoir pourquoi je suis condamné.

— Hélas ! mes lèvres sont scellées par une promesse solennelle, par un serment !

— Pauvre enfant ! quelqu’un aura abusé de votre jeunesse et de votre inexpérience de la vie pour vous environner de pièges qui font votre malheur. Brisez avec lui, Antoinette ; éloignez-vous des faux amis qui vous ont ainsi trompée, et mes bras vous sont ouverts comme un refuge.

— Colonel Evelyn, vous allez me rendre folle ! s’écria-t-elle d’une voix brisée par la douleur et par l’émotion. Ne dépensez pas votre amour et vos regrets pour une jeune fille coupable et misérable comme moi.

— Coupable et misérable ! répéta-t-il en faisant un mouvement violent : voilà, Antoinette, des mots terribles !

— Oui, mais ils sont vrais. Infidèle aux principes sacrés de mon enfance, infidèle aux liens que les plus endurcis respectent encore, quelles autres épithètes puisse-je mériter ?

Evelyn la regarda fixement, comme pour lire ce qui se passait dans son cœur ; puis, avec un accent de tendresse ineffable :

— Pauvre enfant! lui dit-il, vos yeux démentent vos