Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/261

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reprenne ce don fatal qui vous fait paraître si naïve et si candide, car vous causerez le malheur d’autres hommes comme vous aurez causé le mien.

— Et vous ne me direz pas un seul mot de pardon ? demanda-t-elle en joignant ses mains et sans s’occuper, dans le désespoir où elle était, qu’on vît son agitation et qu’on en fît des remarques.

— Non. Vous m’avez volé, vous m’avez ruiné ; je ne puis pas vous pardonner. Si j’étais sur mon lit de mort, à la veille de paraître devant mon Créateur, ma réponse serait la même. Je vous ai trop aimé, pour vous montrer maintenant de la pitié… Mais, chut ! — interrompit-il en interposant sa grande taille entre elle et les autres personnes qui se trouvaient dans la chambre — votre agitation pourrait être remarquée, et on ne saurait à quoi l’attribuer. Ciel ! mademoiselle de Mirecourt, quelle actrice accomplie vous faites ! On pourrait croire vraiment que mon approbation ou mon blâme sont pour vous une affaire de vie ou de mort ; je m’y laisserais prendre moi-même, sans la scène dont j’ai été témoin il y a quelques instants dans le boudoir. Oh ! rien sans cette preuve terrible de votre duplicité n’aurait jamais pu ouvrir mes yeux. Maintenant, adieu ! Espérons que nos chemins dans la vie ne se rencontreront plus jamais. Vous entendrez peut-être dire que Cecil Evelyn est plus misanthrope que jamais, plus égoïste et plus tristement inaccessible à tout sentiment de bienveillance ou de société ; mais