Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/272

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Quelques soirs après cette conversation, Antoinette, extraordinairement préoccupée, entrait dans le boudoir où elle avait l’habitude de se rencontrer avec madame Gérard ; mais celle-ci n’y était pas. Elle apprit que sa gouvernante souffrait d’un violent mal de tête et qu’elle s’était retirée dans sa chambre. Elle alla l’y trouver ; mais, s’apercevant que l’invalide avait besoin de repos et de tranquillité, elle lui souhaita une bonne nuit et retourna dans le boudoir.

Cette chambre était déserte ; mais les rayons de la lune qui s’y déversaient en flots argentés donnaient au plancher et aux meubles un éclat fantastique.

— Avez-vous besoin de bougies, mademoiselle ? demanda une servante qui entrait pour fermer les fenêtres et tirer les rideaux.

— Non, je vais rester pendant quelque temps encore à la fenêtre. Est-ce que François s’attend à ce que M. de Mirecourt soit de retour ce soir ?

— Il n’en est pas certain, mademoiselle. Les chemins sont quelque peu mauvais par suite des dernières pluies, et c’est un voyage de plus de trente milles.

La domestique se retira et Antoinette s’assit près d’une fenêtre ouverte par laquelle le suave parfum des résédas arrivait jusqu’à elle, et ajoutait un nouveau charme à la tranquille splendeur de cette belle nuit d’été. Bientôt les pensées de la jeune fille reprirent le caractère de tristesse qu’elles avaient lorsqu’elle se trouvait seule, et le douloureux souvenir du colonel