Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/336

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passage, afin que le son de leur voix ne troublât pas le ministre qui commençait à lire tout haut. — M. d’Aulnay, d’ordinaire si calme, si pacifique, ressemble à un enragé. Il prétend que vous nous avez tous déshonorés et que votre père va mourir de chagrin et de honte ; il a querellé ma bourgeoise toute la matinée, lui disant qu’elle était aussi blâmable que vous : cela m’a d’autant plus étonnée que jamais, à ma connaissance, il n’a dit un seul mot désagréable à sa femme depuis leur mariage. Madame d’Aulnay a fini par lui dire que si vous étiez sortie pour aller voir seule le major Sternfield, c’est que vous en aviez le droit, parce que vous êtes sa femme ! C’est cet imbécile de Paul qui, sur la demande que lui fit M. d’Aulnay d’où il venait en le voyant arriver dans la cour, s’est empressé de le lui dire. Mais, ma chère demoiselle, est-ce bien vrai ce qu’a dit Madame d’Aulnay ?

— Oui, Jeanne, répondit douloureusement Antoinette ; le major Sternfield, qui est mourant dans cette chambre, est mon mari : j’ai été secrètement mariée à lui.

— Oh ! mademoiselle Antoinette ! — s’écria la vieille femme de chambre en élevant ses deux mains vers le ciel, — je n’aurais jamais pu croire qu’une jeune fille aussi pieuse que vous, qui a été élevée avec tant de soins, aurait consenti à une pareille chose. Que vont dire ce pauvre M. de Mirecourt et madame Gérard ? Que ne dira pas le monde ?