Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/344

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riage secret, l’attaque de maladie dangereuse qu’elle venait de subir, faisant prévaloir sa tendresse paternelle, lui fit renoncer, non-seulement alors, mais même après son recouvrement, aux réprimandes et aux reproches.

Deux mois environ après la mort du major Sternfield, une après-dînée que la malade, cédant aux pressantes instances de sa cousine, s’était rendue dans son charmant petit boudoir, madame d’Aulnay fut mandée au salon.

Elle revint presqu’aussitôt.

— Ma chère petite Antoinette, — lui dit-elle en la cajolant, — un vieil ami demande la faveur de te voir : c’est le colonel Evelyn. Ne le recevras-tu pas ?

Oh ! comme les couleurs de la jeune fille changèrent vite, comme son cœur tressaillit étrangement en entendant ce nom ! Madame d’Aulnay prenant involontairement avantage de ce silence qu’elle regarda comme un assentiment, sortit de suite, et, un instant après, on entendit résonner dans le passage le bruit de pas fermes et assurés. Un épais brouillard, résultat de sa faiblesse ou de son agitation, passa devant les yeux d’Antoinette, et quand elle recouvra possession d’elle-même, elle était seule avec le colonel Evelyn qui tenait ses mains, et avait ses yeux amoureusement tournés vers les siens.

— Vous avez été très-malade ? demanda-t-il d’une voix émue.