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iv

Si, à force de voir la mort frapper autour de nous, nous pouvions nous accoutumer aux rigueurs de l’impitoyable moissonneuse, cependant, quelques-uns de ses coups auraient toujours le privilége de nous émouvoir douloureusement. Ainsi, nous ne pourrions jamais, sans une profonde tristesse, voir une belle et heureuse existence se flétrir avant le temps, et les plus rares qualités de l’esprit et du cœur devenir soudain la proie du tombeau. C’est une de ces émotions exceptionnelles que nous avons éprouvée en apprenant la mort de madame Leprohon, l’auteur populaire du Manoir de Villerai et d’Antoinette de Mirecourt. Madame Leprohon était dans la force de l’âge. À la voir, il y a quelques semaines, pleine de vie, gaie et souriante, nous étions loin de prévoir que nous aurions aujourd’hui à déplorer sa perte. Elle a succombé à une maladie du cœur, le 20 septembre dernier.

Mademoiselle Rosanna-Eleanor Mullins naquit à Montréal en 1832. Elle reçut son éducation au couvent de Villa-Maria, où l’on garde encore d’elle le meilleur souvenir. Ses talents et ses dispositions littéraires se manifestèrent avec une précocité des plus remarquables. Elle avait quatorze ans à peine quand elle écrivit ses premiers essais en vers et en prose. Elle fut un des principaux collaborateurs à la Literary Garland, revue que publiait alors à Montréal M. John Lovell. Ses poésies et ses nouvelles, signées des initiales R.E.M., obtinrent bientôt la faveur du public. Le Victoria Magazine de Belleville, applaudissant à ses débuts, saluait en elle un des êtres privilégiés qui, dès le berceau, portent l’empreinte du génie. On lui prédisait une brillante renommée.