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qu’il en montrait dans ses jours affamés de collège.

Un soir qu’il avait emmené avec lui un jeune homme de ses amis, un étudiant en Droit, et qu’ils étaient tous trois à discuter, au milieu des bouffées narcotiques, sur la politique du jour, condamnant la tyrannie du gouvernement impérial et l’aveuglement de leurs propres chefs, et qu’ils maniaient les affaires d’Europe avec une étonnante célérité, sinon avec sagesse, on annonça un visiteur pour M. Durand.

Paul entra dans la petite chambre.

Comme de raison, il y eut un échange cordial de sympathie, un feu roulant de questions et de réponses sur la maison paternelle, la campagne, les chemins ; puis on procura une pipe au nouveau venu, et on recommença avec vigueur à fumer. Mais la conversation fut plus languissante qu’avant. Paul était d’une trempe bien inférieure à celle de ses compagnons, et cette différence était plus sensible, parce qu’il s’était donné beaucoup de peine, — à sa sortie du collège et en s’établissant à Alonville — pour acquérir les manières et le langage d’un campagnard.

À mesure qu’il s’aperçut de cette différence, il devint morne et taciturne ; il écoutait avec une espèce de préoccupation leurs saillies piquantes, les réponses spirituelles de ses camarades, mais en même temps il regardait le contraste qu’il y avait entre leurs longues mains blanches et les siennes brûlées