Page:Leprohon - Armand Durand ou la promesse accomplie, trad Genand, 1869.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187

— Bonsoir, mademoiselle de Beauvoir, lui dit-il.

En entendant ces mots, elle se détourna avec hauteur.

Jamais de sa vie Armand n’avait éprouvé un sentiment de mortification aussi aigu et aussi amer que dans ce moment. Comme il se reprochait sa folie ! Qu’avait-il de commun avec cette élégante et capricieuse beauté pour qu’il se fût si stupidement exposé à son affront ? Que lui importait à elle qu’il fût digne de louange ou de blâme, lui pauvre étudiant inconnu qu’on souffrait dans le salon de son oncle ? Lors même qu’elle lui aurait écrit le billet anonyme qu’il avait reçu à Saint-Étienne, ce n’était probablement que l’effet d’une fantaisie, d’un caprice de femme.

Pour comble d’humiliation, il aperçut tout-à-coup de Montenay qui s’était avancé à travers les champs et qui sautait légèrement la clôture près de Gertrude. Dans le petit salut qu’il lui fit Armand vit sur sa figure une expression d’ironie et de malice, provoquée sans doute par le fait qu’il avait été témoin de la rebufade que lui, Armand, avait reçue ; mais calmant ses sentiments froissés et blessés, il répondit à l’insolent salut de Victor en n’en faisant nulle attention ; puis il se retourna, mais non sans qu’il eût le temps de voir de Montenay ramasser une fleur qui venait de tomber du bouquet que mademoiselle de Beauvoir tenait à la main, l’appliquer galamment à ses lèvres et la mettre à sa boutonnière.