Page:Leprohon - Armand Durand ou la promesse accomplie, trad Genand, 1869.djvu/195

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terez avec nous. Nous n’avons pas d’enfants, et nous aurons assez pour nous tous.

Impatienté, Armand se leva en sursaut, mais il se calma presqu’aussitôt en se rappelant les tendres yeux en pleurs qui l’avaient regardé si tristement le même matin, lorsque Délima lui avait appris qu’elle avait l’intention de s’en retourner à Saint- Laurent, vû que sa santé, au lieu de s’améliorer, ne faisait qu’empirer. Madame Martel continua par intervalles sur le même ton, et pendant ce temps-là Armand poursuivait sa promenade de long en large dans la petite chambre ; puis il entra brusquement dans le salon où Délima était assise à regarder tristement par la fenêtre. Comme de raison l’hôtesse ne le suivit pas là ; au bout d’une heure il était encore à côté de Délima. Lorsqu’ils se séparèrent ils étaient fiancés.

Il est vrai de dire qu’il lui avait avoué avec hésitation qu’il craignait de ne pas l’aimer comme elle méritait d’être aimée et comme il était capable d’aimer, mais elle lui répondit avec une touchante douceur que ce serait son aspiration et que tous ses efforts tendraient à se faire aimer de lui. Oui, elle était réellement ce que le cœur d’un homme pouvait désirer ; cependant, en prenant sur sa joue le baiser des fiançailles, au lieu du ravissement qui aurait dû remplir cette heure, il se sentit atteint d’une sourde douleur en pensant tout-à-coup à Gertrude avec ses nobles grâces, ses manières engageantes, malgré sa froide et hautaine réserve.