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forçait d’être dehors. Il marchait sans dessein arrêté, n’ayant d’autre but que celui de passer une heure à flâner, afin de calmer l’irritation inaccoutumée qui régnait dans sa poitrine. Il passa devant plus d’une maison brillamment éclairée, dont les portes jusqu’à dernièrement lui avaient été ouvertes, et il pensa amèrement aux nombreux changements que son mariage lui avait amenés. Depuis cette époque pleine d’événements, il n’avait en effet reçu aucune invitation de la part de ses anciens amis ; sa jeune femme n’avait été de son côté favorisée d’aucune visite ; il n’avait reçu aucune de ces visites sans cérémonie faite le soir, excepté de Lespérance et de quelques-uns de ses camarades dont il ne désirait en aucune manière la compagnie pour lui et encore moins pour Délima.

Cet isolement qui se faisait autour de lui était dû en grande partie à l’obscure position sociale de celle qu’il avait choisie pour femme, et en partie à des insinuations malicieuses et calomniatrices mises en circulation par de Montenay, puis par madame de Beauvoir et subséquemment répandues librement dans le public. Heureusement qu’il ignorait ce dernier fait, car il avait assez de sujets d’amères pensées.

Laissant la grande rue, il prit une des sombres ruelles qui conduisent au port et qui présentait dans le moment un aspect solitaire et désolé. La noire étendue des eaux, les quais sombres tout couverts de neige, deux