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LE MANOIR DE VILLERAI

— Alors, cette circonstance devrait empêcher les jeunes demoiselles de chercher à s’amuser avec lui, et surtout d’en devenir amoureuses.

— Bah ! chère tante, vous vous connaissez bien peu en ces matières. Car cette circonstance-là même est suffisante pour rendre une personne tout à fait irrésistible ; mais celui qui possède mes affections n’a pas besoin de ce titre accidentel pour augmenter son pouvoir. N’importe quelle femme trouverait Gustave de Montarville excessivement aimable.

Rose rougit jusqu’à la racine des cheveux, lorsqu’elle entendit le nom de celui qu’elle aimait d’un amour aussi ardent que secret ; heureusement sa tête était inclinée sur son ouvrage, et sa confusion échappa à ses compagnes.

— Gustave de Montarville ! n’est-ce pas ce jeune Canadien appartenant au Royal Roussillon et qui s’est si bien conduit au siège de Carillon ?

— Oui, ma tante ; il a été blessé, et ensuite on l’a promu en récompense de sa bravoure. Vous ne pouvez vous imaginer quel air charmant et intéressant lui donne son bras en écharpe et cette jolie pâleur de convalescent sur sa joue brune. Je vous assure que je ne suis pas la seule à l’aimer.

— Je pense que vous devriez toutes laisser ce soin à sa fiancée, dit madame de Rochon en souriant.

— Oh ! elle, c’est un vrai glaçon, une statue de marbre, enfin une belle créature sans sentiments. Vous avez sûrement entendu parler de la froide et fière demoiselle de Villerai ?

— J’ai entendu parler, Pauline, d’une demoiselle de Villerai ; mais elle m’était représentée comme une noble et religieuse jeune fille, qui ajoutait encore par ses vertus un nouveau lustre à sa naissance et à sa fortune. Celui qui me l’a décrite ainsi doit bien la connaître ; c’est le curé de Villerai.

— C’est possible, fit-elle avec indifférence. En effet, elle est peut-être bien bonne sous un rapport ; mais pendant tout l’hiver dernier, qui a été sa première saison dans le monde, elle a passé pour être aussi hautaine que belle. Je voudrais seulement que vous entendiez de Noraye parler d’elle.