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LE MANOIR DE VILLERAI

— Presque depuis le jour où je l’ai d’abord rencontrée, répondit-il immédiatement. Oui, Blanche, je vais vous découvrir tous les secrets de mon cœur ; je vous dirai tout ; et quoique je sois convaincu que vous allez condamner, blâmer et même mépriser ma faiblesse, je sais au moins que vous me la pardonnerez.

Et là, debout en face de son ancienne fiancée, il lui dit tout, ne cachant rien, pas même ses demandes réitérées à Rose de devenir sa femme, ni la noble fermeté avec laquelle celle-ci, à cause de Blanche, avait toujours résisté à ses prières.

— Noble Rose ! murmura mademoiselle de Villerai, avec un doux sourire sur les lèvres, combien elle a été mal jugée, et pourtant je n’ai jamais pu me résoudre à la croire aussi coupable qu’elle le paraissait. Oh ! Gustave, en gagnant ce noble cœur, vous avez acquis un trésor précieux ; et vous n’êtes pas indigne d’elle ; vous n’avez aucun reproche à vous faire ; et même si vous en aviez, la générosité et le dévouement que vous venez de déployer dans l’entrevue actuelle, seraient plus que suffisants pour les faire oublier. Vous ne refuserez plus maintenant, dit-elle en souriant, d’amener Rose Lauzon avec vous en France, afin que votre futur domicile soit aussi le sien.

Le front de de Montarville se couvrit de nouveau d’une vive rougeur, causée par tant d’émotions à la fois ; mais tout à coup son regard et sa voix devinrent plus sérieux, et il dit à Blanche :

— Et vous, Blanche, que ferez-vous ? Ne viendrez-vous pas avec nous, pour être notre amie et notre sœur chérie ?

— Non, non, fit-elle en agitant légèrement la tête ; je pourrais sans doute le faire en qualité de sœur, comme vous le dites, et avec moins de danger que si c’eût été la jolie Rose ; mais je resterai en Canada, ma patrie, le lieu de ma naissance, quoique sous un joug étranger ; je ne suis qu’une femme et je pourrai aisément me soumettre à ce joug.

— Mais, Blanche, vous vous marierez, n’est-ce pas ? demanda-t-il avec empressement et intérêt. Ah ! vous seriez plus heureuse ; et combien n’y a-t-il pas de cœurs dévoués qui vous honoreraient et vous aimeraient, si vous vouliez seulement le permettre ? Les changements dans