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LE MANOIR DE VILLERAI

La méchante petite Rose, sans lever les yeux, répondit avec le plus grand calme du monde :

— Vous m’avez dit beaucoup de choses, M. Lebrun ; je ne sais à laquelle vous faites particulièrement allusion en ce moment.

— Eh bien ! alors je vous le répéterai volontiers, mademoiselle. J’ai dit que j’étais propriétaire d’une jolie maison et d’une bonne ferme, mais qu’il me fallait encore un autre objet plus nécessaire à mon bonheur, et que c’était une… femme, mademoiselle. Vous devez vous rappeler ces paroles ?

— Oui, M. Lebrun, et je me souviens aussi de vous avoir dit qu’il y avait au village beaucoup de jolies et aimables jeunes filles, pouvant faire de bien bonnes femmes.

— C’est fort bien jusque-là, reprit le jeune fermier, un peu décontenancé par les froides manières de la jeune fille, mais encore incapable de supposer qu’elle resterait réellement indifférente aux avances du meilleur parti de Villerai, du cavalier par excellence du village, c’est fort bien jusque-là, mademoiselle Rose, et maintenant je puis aussi bien éclaircir tous les doutes sur ce sujet, en vous disant que vous êtes celle que je désire avoir.

— Je suis vraiment peinée, André Lebrun, répondit Rose, en agitant d’une manière nerveuse ses broches à tricoter, et se sentant un peu irritée contre son prétendant ; je suis très fâchée pour vous ; mais je ne pourrai jamais être votre femme.

— Quoi ! vous me répondez par un non aussi formel et aussi déterminé ? reprit son compagnon en se levant de sa chaise, tant était grand son étonnement. Vous refuserez de devenir madame Lebrun, avec la plus belle ferme et la meilleure maison de la paroisse ?…

Il était pour ajouter, avec le plus joli mari, mais elle l’interrompit brusquement :

— Oui, je dois refuser tous ces avantages, M. Lebrun.

— Est-ce là votre réponse finale, votre dernier mot, Rose Lauzon ?

— Oui, mon dernier, répondit-elle à voix basse et avec fermeté.

— Alors, auriez-vous la bonté de me dire, mademoiselle,