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LE MANOIR DE VILLERAI

XI


Soutenue par le courage et la force que lui inspirait l’amour de M. de Montarville, Rose écouta en silence les reproches remplis de colère que lui adressa sa belle-mère, à son retour de chez madame Dumont. Lorsque cette méchante langue fut enfin lassée, Rose se hâta de remplir tous ses devoirs domestiques, puis elle s’habilla et partit pour le manoir. Il lui fallait passer devant le presbytère, et en jetant un regard dans cette direction, elle vit le curé à sa fenêtre, son bréviaire à la main.

Il lui fit signe d’entrer, et pour la première fois la pauvre Rose sentit son courage défaillir. Elle obéit toutefois immédiatement ; et en se rendant au petit salon, si proprement tenu, un coup d’œil lui suffit pour remarquer sur la figure du bon curé une expression de froideur et de tristesse inaccoutumée.

Après l’avoir priée de s’asseoir, il lui demanda subitement, tout en se tenant lui-même debout :

— Que veulent dire, Rose, tous les rapports que j’entends sur vous et le jeune de Montarville ? Votre belle-mère est venue ici aujourd’hui, et elle m’a fait un rapport qui m’a rempli de tristesse et de surprise, pour ne pas dire davantage.

— Assurément, monsieur, vous ne croyez pas tout ce qu’elle dit de moi ? demanda Rose, les yeux remplis de larmes.

— Dans cette circonstance, je crains d’être obligé de le faire, au moins en partie. Mes propres observations, je regrette de l’affirmer, tendent à confirmer ce que l’on dit. Une modeste jeune fille qui, pour plus grande richesse, porte un nom intact, doit-elle demeurer sans raison à causer pendant une demi-heure, sur un chemin isolé, avec un jeune gentilhomme gai et élégant ? Ah ! Rose, prenez garde que cette beauté qu’une tendre Providence vous a donnée, et cette éducation que mes pressantes sollicitations vous ont obtenue de madame Dumont, ne soient pour vous des dons fatals, et ne tournent plus tard à votre malheur.

Ce reproche de la part du bienveillant curé, qui n’avait jamais eu auparavant occasion de montrer à Rose même de la