Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/123

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qu’il le paraissait. En vain m’efforçai-je de me persuader qu’il était impossible de contrefaire les yeux blancs aussi parfaitement ; mais que voulez-vous ? Je suis souvent très enclin à la méfiance…

— Est-ce que tu es le fils de l’hôtesse ? lui demandai-je enfin.

— Non.

— Qui es-tu donc ?

— Un pauvre orphelin.

— Et l’hôtesse a-t-elle des enfants ?

— Non ; elle avait une fille, mais elle s’est enfuie de l’autre côté de la mer avec un tartare.

— Quel tartare ?

— Ah qui le sait ! c’est un tartare de Crimée, un pirate de Kertch.

J’entrai dans la masure ; deux bancs et une table, une grande caisse à côté d’un poêle formaient tout son ameublement. Sur le mur, pas la moindre image de saint[1] ; mauvais signe !

Par un carreau cassé s’engouffrait le vent de la mer ; je tirai de ma valise une bougie et l’al-

  1. Ce qui est rare en Russie, car chaque chaumière a son image protectrice.