Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/173

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quelque histoire. Évidemment c’était drôle, car ils se sont mis à rire comme des fous. La curiosité a attiré vers moi quelques-uns de ceux qui entouraient la jeune princesse ; peu à peu ils l’ont tous abandonnée et se sont réunis à mon groupe. Je ne tarissais pas, mes anecdotes étaient spirituelles jusqu’à la sottise, mes railleries sur les passants originales et méchantes jusqu’à la violence. J’ai continué d’égayer ce public jusqu’au soleil couchant. Plusieurs fois la jeune princesse, au bras de sa mère, accompagnée de quelques vieillards boiteux, a passé près de moi. Son regard, en tombant sur moi, exprimait du dépit, quoiqu’elle s’efforçât de prendre un air indifférent.

« Que racontait-il ? a-t-elle demandé à l’un des jeunes gens qui était retourné vers elle par politesse ; c’était sûrement une histoire très intéressante ? Ses exploits à la guerre ? »

Elle a dit tout cela assez haut, et avec l’intention de me piquer.

Ah ! ai-je pensé, vous vous fâchez tout de bon, chère princesse ; permettez ! vous en verrez bien d’autres.

Groutchnitski la suivait comme une bête fé-