Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/197

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Elle a eu de la peine à contenir un sourire et à cacher son triomphe ; mais elle a réussi assez vite à prendre un air indifférent et même sévère. Elle a appuyé négligemment sa main sur mon épaule, a penché légèrement sa tête de côté et nous nous sommes élancés. Je ne connais point de taille plus voluptueuse et plus souple ; sa fraîche haleine courait sur mon visage ; une boucle de ses cheveux arrachés à ses bandeaux par le tourbillon de la valse effleurait parfois ma joue brûlante… J’ai fait trois tours (elle valse admirablement). Elle a perdu haleine, ses yeux se sont troublés et ses lèvres ont pu à peine prononcer le banal : merci, monsieur !

Après quelques minutes de silence, je lui ai dit en prenant un air très humble :

— J’ai appris, princesse, que quoique nous ne nous connaissions pas, j’ai déjà eu le malheur de mériter votre inimitié ; vous me trouvez impertinent, m’a-t-on dit ! Est-ce la vérité ?

— Voudriez-vous en ce moment me confirmer dans cette opinion ? a-t-elle répondu avec une petite mine pénétrante qui allait du reste fort bien à sa figure pleine de mobilité.

— Si j’ai eu l’audace de vous offenser, permet-