Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/221

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un désespoir froid et sans force, qui se cache sous un sourire aimable et bienveillant. Je devins un paralytique moral. Une moitié de mon âme languit, se dessécha, et mourut. Je la coupai et la rejetai. L’autre partie s’agita et se mit à vivre dans chacune de ses parties, et personne ne remarqua cela, parce que personne ne savait l’absence de la moitié perdue. Mais vous venez de réveiller en moi son souvenir et je vous lirai son épitaphe. Au plus grand nombre, les épitaphes paraissent ridicules, mais à moi, non ; je pense toujours à celui qui repose sous elle. Du reste je ne vous prie point de partager mon opinion ; si ma sortie vous paraît ridicule, riez-en ! Je vous préviens que cela ne m’affligera pas le moins du monde. »

À ce moment, j’ai rencontré ses yeux ; ils étaient pleins de larmes ; son bras appuyé sur le mien tremblait ; ses joues étaient enflammées ; elle me plaignait.

La pitié, ce sentiment auquel se laissent un peu aller toutes les femmes, a pris pied dans son cœur inexpérimenté. Pendant tout le temps de la promenade, elle a été distraite et avec cela sans coquetterie, ce qui est un bien grand symptôme.