Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/292

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temps s’est écoulé depuis ; j’ai pénétré dans tous les mystérieux replis de ton âme et je me suis convaincue que mes espérances étaient vaines. J’ai bien souffert ! Mais mon amour s’était identifié à mon âme, en grandissant ; il est devenu moins apparent, mais il ne s’est pas éteint.

» Nous nous séparons pour toujours. Cependant, tu peux être sûr que je n’aimerai jamais un autre homme. Mon âme a épuisé pour toi tous ses trésors, ses larmes et ses espérances. Une femme qui t’a aimé ne peut regarder sans quelque mépris le reste des hommes, non que tu vailles mieux qu’eux, oh non ! mais parce qu’il y a dans ta nature quelque chose qui n’appartient qu’à toi, un je ne sais quoi de fier et de mystérieux. Il y a dans ta voix, quoi que tu dises, une puissance irrésistible ; personne ne sait comme toi se faire aimer sans cesse, rendre le mal lui-même attrayant, et dans un seul regard promettre autant de bonheur. Personne ne sait mieux profiter de ses avantages et personne ne peut être aussi sincèrement malheureux que toi, parce que personne ne sait espérer comme toi le contraire de ce qui t’arrive.

» Je dois t’expliquer maintenant la cause de