Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/302

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ses mains froides étaient croisées sur ses genoux, et si amaigries, si diaphanes, que cela me navra.

« Princesse ! lui dis-je : vous savez que je me suis moqué de vous et vous devez me mépriser.

Une rougeur maladive vint colorer ses joues. Je continuai :

Par conséquent vous ne pouvez pas m’aimer.

Elle se détourna, s’accouda sur la table et couvrit ses yeux de ses mains. Je crus voir couler ses larmes.

— Mon Dieu ! prononça-t-elle à peine distinctement.

Cela devenait insupportable : et encore un peu, je serais tombé à ses pieds.

— Ainsi, vous voyez bien vous-même, lui dis-je de la voix la plus ferme que je pus prendre, et avec un sourire contraint, vous voyez bien vous-même que je ne puis vous épouser. Si vous vouliez cela maintenant, vous ne tarderiez pas à vous en repentir. Mon entretien avec votre mère m’a obligé à vous parler à cœur ouvert et aussi durement. J’espère qu’elle se trompe réellement et il vous sera facile de la détromper peu à peu. Vous le voyez, je joue à vos yeux un bien triste et bien pénible rôle, et, je l’avoue franchement,