Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/319

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était arrivé, en faisant différentes remarques sur le compte de cette prédestination qui l’avait soustrait à une mort inévitable une demi-heure avant sa mort. Voulitch allait seul dans une rue obscure. Le Cosaque ivre qui avait coupé en deux le porc, s’était trouvé devant lui et peut-être serait-il passé à côté sans l’apercevoir, si Voulitch ne s’était arrêté et ne lui avait dit : qui cherches-tu, mon cher ? Toi ! avait répondu le Cosaque en le frappant de son sabre, et il l’avait traversé presque de l’épaule au cœur…

Les deux Cosaques qui m’avaient rencontré et qui poursuivaient l’assassin étaient arrivés juste à temps pour ramasser le blessé, mais il rendait déjà le dernier soupir et n’avait pu dire que ces trois mots : « il avait raison ! » — Moi seul je compris l’obscure signification de ces paroles ; elles s’adressaient à moi. Je lui avais prédit involontairement sa triste destinée. Mes pressentiments ne m’avaient pas trompé, et effectivement j’avais distingué sur son visage le signe d’une fin prochaine.

L’assassin s’était enfermé dans une cabane vide, au bout du village. Nous y allâmes. Une foule de femmes couraient de ce côté, en poussant