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BALAOO

avoir pendu le mort comme il convenait par sa cravate sur la route de Riom, Balaoo, le dos lourd, la tête pesante, le pas traînard et les mains d’en haut dans les poches, était revenu dans le village et avait rencontré la petite troupe apeurée des brodeuses à galoches et à chaufferettes se rendant, pour la veillée, au Soleil Noir. Il sourit sans trop savoir ce qu’il faisait, peut-être parce qu’il avait reconnu Mme  Mure et Mme  Boche, et qu’avec elles il y avait toujours quelque bonne farce à faire. Il entendit qu’elles parlaient entre elles d’une robe merveilleuse, d’une robe comme on en porte seulement chez les empereurs des hommes : la robe de l’Impératrice. Balaoo était curieux. Il voulut voir ce « chef-d’œuvre » de l’industrie humaine ! Il retira ses chaussures et se les attacha au cou par les lacets. Dès lors, tout à son aise, il n’eut besoin que d’une gymnastique sommaire par-dessus deux murs et un toit pour arriver au vasistas de cette salle d’été où Mme  Toussaint déployait la merveille. Aussitôt qu’il l’eut vue, Balaoo eut son idée faite. Cette robe irait « à ravir » à Madeleine. Et, à la première occasion qui lui était fournie par l’absence des brodeuses, il poussait le vasistas, se retenait par les mains de derrière à la fenêtre, se balançait, attrapait au vol avec les mains de devant l’objet de ses convoitises, rebondissait par le vasistas et disparaissait sur les toits avec la robe de l’Impératrice.

D’une traite, il avait couru ensuite à la petite porte du fond du jardin de Coriolis, sa porte à lui ; mais sa main, qui était déjà sur la sonnette, s’en était allée gratter les poils mouvants du dessus de son crâne. Il se rappelait la loi : les leçons de la loi, que lui avait apprises Madeleine. On doit toujours prévenir avec de l’argent quand