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BALAOO

femme. On ne te cache rien. Balaoo ne nous aime plus et je ne vois pas pourquoi je ne m’en consolerais pas : çan’est qu’un singe, après tout.

— Vous me crevez le cœur avec des mots pareils ! (Gertrude avait un cœur sensible, et elle avait failli jadis mourir de chagrin à la mort d’un petit bossu de chat qu’elle avait, par mégarde, enfermé dans un tiroir). Vous n’avez pas toujours dit ça ! Vous disiez : ce garçon a une intelligence extraordinaire… Il comprend tout ce qu’on lui dit et il devine le reste. Il en remontrerait au maire et au curé. Avez-vous dit ça, oui ou non ?

— Le mauvais instinct reprend toujours le dessus chez les enfants qui ont eu de mauvais parents, répliquait Madeleine en montrant son petit nez rouge, tout inondé de ses larmes et de son sincère désespoir.

— Il ne les a pas connus assez longtemps pour prendre de mauvaises manières, repartait Gertrude qui défendait Balaoo pied à pied.

— Oh ! il avait cinq ou six ans quand il les a quittés, c’est beaucoup pour un petit de grand singe, ma vieille Gertrude, tu ne sais pas cela.

— Je sais qu’il ne savait pas encore parler, bien sûr, il a tout appris chez vous, et toutes les manières qu’il a, c’est les vôtres, toutes crachées ! Il marche comme Monsieur, le dos un peu voûté et les pieds en dehors. Et, quand il rit, il vous imite si bien, mademoiselle, que, si on ne le voyait pas, on croirait que c’est vous !

— Merci, Gertrude.

— Je ne vous dis pas ça pour vous froisser : il y a un temps où je vous aurais fait plaisir. Mais vous n’aimez plus Balaoo ; je ne sais pas ce qui s’est passé !

À ce moment la vieille Gertrude s’arrêta de repasser