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BALAOO

plus rentrer. Tu devrais aller le chercher, Madeleine.

Madeleine ne se le fit pas dire deux fois. Un quart d’heure après, elle se promenait à petits pas dans les sentiers de la forêt, appelant de sa voix la plus douce : Balaoo !… Balaoo !… Balaoo !…

Et elle ne fut pas longtemps à voir venir à elle, les habits en désordre, la tête basse, la mine repentante, pleurnichant et geignant, le timide Balaoo qui se jeta à ses genoux en murmurant comme aux jours de la forêt de Bandang, quand, après un mauvais coup, il rentrait à la hutte maternelle où une bonne correction l’attendait :

Woonoup !… brout !… Woonoup brout !… brout !… brout !…

— Veux-tu parler chrétien ? sauvage ! fit-elle les larmes aux yeux.

— Grâce ! soupira-t-il, avec sa bonne voix de gong mêlé.

Elle le ramena à la maison par l’oreille. Tout de même c’était lui qui avait pendu M. Herment de Meyrentin. Il fit huit jours de cachot qu’il n’avait pas volés[1].

  1. Dans le langage grand singe, woonop brout veut dire : grâce ! C’est ce que nous apprend M. Philippe Garner qui, pendant sept années, s’enferma dans une cage au centre des forêts équatoriales pour étudier le langage des quadrumanes supérieurs. Après des aventures sans nombre et des plus dangereuses, le professeur Garner revint aux États-Unis avec un magnifique butin scientifique sur les mœurs, les façons d’être, la langue des singes. D’après lui, les organes vocaux des chimpanzés sont capables d’émettre vingt-quatre sons différents, pour exprimer autant d’émotions diverses et parfaitement définies.
    « À l’aide de ses rouleaux phonographiques, patiemment enregistrés durant son long séjour dans les jungles de l’Afrique centrale, nous relate la « Lecture pour Tous », le professeur Garner peut démontrer que les vingt-quatre mots de la langue chimpanzée servent à exprimer autant de besoins ou de sensations. Doués d’instincts éminemment sociaux, les anthropopithèques se réunissent par familles qui forment