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BALAOO

— Venez-vous ! Voyons !… bougonna-t-elle… et elle le fit descendre, le poussa dans le salon. C’était le vieux salon empire qu’il avait connu à Saint-Martin-des-Bois. Là encore, aucune fleur dans les vases. Et les meubles avaient encore leurs housses. Madeleine l’attendait, debout. Elle lui prit la main, et lui dit rapidement, à mi-voix :

— Mon petit Patrice, quand nous serons mariés, nous ferons ce que nous voudrons, n’est-ce pas ? Mais ici, nous sommes chez papa, et il ne faut pas le contrarier. Il est devenu de plus en plus maniaque. Il ne faut pas trop lui en vouloir, car il a une grosse peine de me voir partir. L’idée de mon mariage lui a toujours été insupportable. Finalement, il s’y est résolu, comme il se serait décidé à se faire faire l’opération de l’appendicite. Il souffre, il voudrait que ce soit, une bonne fois, fini. Mais, en attendant que ce soit fini, il ne veut pas en entendre parler. Donc à table et partout, dans cette maison, qu’il ne soit pas question de mariage ! c’est entendu !… Tu feras vis-à-vis de tout le monde, comme si tu étais venu passer deux ou trois jours à Paris pour des affaires urgentes que tu n’as pas besoin de faire connaître… C’est compris ?

Elle n’attendit même pas sa réponse. Comme il restait là, abasourdi, elle ouvrit la porte de la salle à manger et y pénétra. Alors, il suivit comme dans un rêve.

Assise au coin d’une fenêtre, une jeune personne, de tournure élégante, lisait. Au bruit qu’ils firent en entrant, elle leva la tête. Patrice ne put retenir une exclamation : Zoé !… Il savait bien que Zoé avait suivi Coriolis à Paris ; mais il croyait la trouver à la cuisine.

Eh quoi ! c’était bien vrai qu’il eût en face de lui la petite coureuse de la forêt ! Cette belle jeune fille qui se