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BALAOO

trice. Le jeune homme voulut dissimuler son anéantissement sous un sourire aimable.

— Pourquoi souris-tu ? Tu te trouves sans doute spirituel ? Console-toi, tu n’es point le seul de ton espèce. Ils sont tous fabriqués du même bois, les jeunes gens d’aujourd’hui qui n’ont point quitté les jupes de leur mère. Si tu avais fait, comme moi, trois fois le tour du monde, tu ne resterais point ébahi devant un indigène de Malaisie qui porte mieux que toi le complet-jaquette et le gilet-châle (tu ne l’as pas encore vu en smoking) et qui t’en remontrerait, tout premier clerc de notaire que tu es, sur le Baudry-Lacantinerie[1].

Et comme Patrice, assommé, se taisait :

— Interroge !… mais interroge-le donc…

— Ne « mécanisez » donc point comme ça ce pauvre jeune homme, émit la voix pleurarde de Gertrude dans un bruit d’assiettes et d’argenterie.

Elle se fit mettre à la porte avec tous les honneurs qui lui étaient dus.

Madeleine eut la mauvaise inspiration de protester ; Coriolis lui ferma la bouche, à elle aussi :

— Je ne veux pas, vous entendez bien !… Je ne veux pas qu’on se moque de Noël !…

— Mais mon oncle ! personne ne se moque de lui ! finit par s’écrier Patrice, dans un sursaut d’exaspération.

— Allons donc, il n’était pas plutôt entré ici que tu le regardais comme un phénomène ! Je ne veux pas !… tu entends !… Je ne veux pas qu’on le regarde comme un phénomène !… Tout le monde ne peut être né rue de l’Écu, à Clermont-Ferrand !…

  1. Traité de droit civil que l’on met dans les mains des étudiants en droit.