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BALAOO

— Oui, il te tuera !… quand il a vu que tu étais partie avec Patrice, que tu t’étais enfuie du restaurant, rien n’a pu le retenir. Il m’a frappée, parce que je voulais le retenir ! Je lui ai crié, en râlant, que vous étiez à la gare de Lyon. Alors, il n’a fait qu’un bond jusqu’à la fenêtre… mais il va revenir !… il va revenir !… et comme je lui ai menti… il me tuera ! tant mieux… je ne suis revenue ici que pour cela… mais la force, la force m’a manqué au haut des marches… Ah ! qu’il me tue avec son poing terrible, puisqu’il ne m’aimera jamais !…

Madeleine essuya doucement le sang qui couvrait le jeune et douloureux visage de sa petite amie, et elle l’embrassa sur le front, en pleurant.

— Fuyons ! dit Patrice… fuyons ce monstre que vous avez recueilli chez vous ! et qui n’a plus rien d’humain.

— Oui, partez, ordonna la voix lugubre de Coriolis… partez !… Tu vois, Madeleine, ce qu’il a fait de Zoé… partez !

— Eh ! mon père, vous savez bien qu’il ne peut entendre la voix de Zoé, mais qu’il a toujours obéi à la mienne !…

— Emmenez votre femme, Patrice ! ordonna Coriolis.

Vous n’avez donc plus foi dans votre œuvre, mon père ? demanda Madeleine, de sa voix harmonieuse et calme.

Coriolis fit quelques pas dans la pièce en proie à une mystérieuse agitation ; mais il s’arrêta en face de Madeleine et la regardant bien dans les yeux : « Et si nous n’avions pas tué la bête ? » Madeleine ne baissa pas les yeux : « Je vous jure qu’elle est morte ! Pourquoi n’avez-vous pas voulu me croire ? Tout ceci aujourd’hui ne serait pas arrivé. Il a droit à des paroles d’homme !  »

Mais la voix de Zoé s’éleva, éperdue : « Partez ! Par-