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BALAOO

connaissais la loi de la forêt, établie par Patti Palang-Kaing, au commencement du monde, tu saurais cela que la fille des hommes peut se promener sans crainte dans la forêt. Mais ce n’est pas défendu de toucher des lèvres les traces de ses pas ou de lui lécher la main ! »… Voilà ce qu’a dit Balaoo. N’est-ce pas, mon Balaoo ? Il m’a dit tout cela, à côté du lit de feuilles sèches, en attendant que tu viennes… Il me l’a même dit dans des vers immortels, car Balaoo est un grand poète, n’est-ce pas, Balaoo ?

Balaoo, à la porte, fait signe que oui de la tête… mais la tête toujours tournée, car il n’en peut plus…sa douleur va éclater comme un orage intempestif… et il se retient pour ne pas tomber dans le ridicule. Il tâche à avaler ses sanglots et à garder son tonnerre pour lui.

Pauvre Balaoo qui sait que Coriolis est venu pour emmener Madeleine… pauvre Balaoo qui a appelé lui-même son maître, sur l’ordre de sa petite maîtresse et qui est allé lui-même, après l’avoir écrite lui-même (car Madeleine était alors trop malade) mettre de nuit, dans la rue du village, sa lettre dans la boîte aux lettres de la poste de Mme  la receveuse… même qu’il a failli être reconnu par cette sacrée vieille taupe de mère commère Toussaint qui pense toujours à la robe de l’Impératrice.

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C’est fini, cette fois, bien fini ! Elle est partie ! Elle est partie rejoindre son mari et il ne la reverra plus !… Son maître reviendra, lui ; mais elle, elle ne doit plus revenir à cause de la loi d’hommes qui lui ordonne de suivre son mari… Elle est partie à l’instant même, et, après des adieux qui ont fait croire à tous les villageois du pays de Cerdogne qu’il y avait un gros orage dans les bois et sur la montagne, il est resté là, lui, sur le seuil de sa demeure