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LA PENSÉE DES DEUX ÉPOUX
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mesure de retrouver M. André de la Bossière au fond de la grotte du rond-point de la Fresnaie où ce misérable idiot de Prosper, le sourd-muet, l’avait tenu enchaîné pendant cinq ans.

C’était là que le jeune Darbois était allé le chercher après avoir été frappé par la coïncidence des apparitions de Prosper derrière les apparitions d’André ! Le bancal courait alors après son prisonnier qui traînait à son pied la chaînette volée à un collier de chien avec laquelle Prosper l’attachait à son rocher… Sans doute, le pauvre fou, car M. André de la Bossière était fou, et comment après un traitement pareil ne l’eût-il pas été ? avait trouvé le moyen, au bout de cinq ans, de se libérer de temps à autre… Mais avec quelle épouvante il voyait réapparaître son maître et comme, précipitamment, il retournait à la niche !…

Prosper tenait à sa victime comme au seul être humain qu’il lui était donné d’approcher. Est-ce que chacun ne s’enfuyait pas, sitôt qu’il apparaissait dans le pays, comme s’il eût apporté la peste avec lui ?… Et n’apportait-il pas plus que la peste puisqu’il apportait le mauvais sort !…

Avec quelle joie le misérable, en rentrant un jour dans son trou de bête, avait trouvé près de là, cet homme qui se traînait sans force, sur la route !…

Il l’avait emporté avec lui comme une proie, ce compagnon inespéré de sa solitude, et il ne l’avait plus lâché !…

Ainsi le jeune Darbois se représentait-il le drame… Ainsi l’avait-il expliqué aux magis-