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JACQUES EST ÉNERVÉ
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vous ne croyez encore, répondit Fanny en pinçant les lèvres et en montrant par son attitude subitement réservée qu’elle avait été froissée du ton de Jacques.

— Expliquez-vous donc !

— J’ai peur de vous énerver, darling !

— Profitez de ce que je le suis, au contraire, et finissons-en ! Qu’est-ce que cette petite toquée a imaginé encore ?

— Oh ! ce que je vais vous apprendre ne s’est pas passé dans le domaine de l’imagination ! C’est tout simplement l’histoire vraie du départ d’André. Voulez-vous la connaître ?

— Je vous écoute.

— C’est très simple. Voilà ce qui s’est passé. Le Saint-Firmin avait surpris quelques pages d’une correspondance fort intéressante, échangée entre sa femme et votre frère. Dans ces lettres, il était question d’un amour purement moral et platonique, mais comme on y parlait aussi d’un bonheur parfait qui ne manquerait point de suivre la mort du vieux grigou, celui-ci n’a point voulu croire que sa femme fût restée honnête avec un pareil dessein dans le cœur.

« Persuadé qu’il était le plus ridicule des maris, il en est devenu soudain le plus tragique et, un soir, où il est rentré dîner à la villa du bord de l’eau plus tôt que de coutume et où il trouva André retenant tendrement dans les siennes les mains de Marthe, il jura par les plus terribles serments qu’il tuerait sa femme comme une bête malsaine si, dans la nuit même, André ne disparaissait pour toujours