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OÙ L’ON ESSAIE DE TUER CARTOUCHE

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» Cette femme jeune et jolie, qui s’appelle Régina, dit à l’homme sans oreilles :

» — Monsieur Petito, aussi vrai que je m’appelle Régina, que je suis brune, jeune et jolie, et que vous n’avez plus d’oreilles, vous aurez cessé de me voir dans quarante-huit heures et d’entendre le Carnaval de Venise, si vous n’avez trouvé le moyen de me donner la petite aisance à laquelle j’estime avoir droit. Quand je me suis mariée avec vous, monsieur Petito, vous m’avez indignement trompée sur le chiffre de votre fortune et sur le volume de votre intelligence. Eh quoi ! monsieur Petito, votre fortune — je le sais trop maintenant, puisque nous sommes en retard de deux termes et que nous serions dans l’obligation de fuir l’huissier, si nous n’avions résolu de quitter à jamais cet appartement à la suite de la déconfiture de vos oreilles — votre fortune, dis-je, ne reposait que sur des espérances qui ne se sont point réalisées, et votre intelligence, comme votre fortune, n’a rien tenu de ce qu’elle promettait. À mon âge, monsieur Petito, quand on est brune, jeune et jolie, et qu’on s’appelle Régina, on ne saurait se résoudre à la misère. Je ne puis aller toute nue par les rues, monsieur Petito, et cependant il me semble que vous vouliez me réduire à cette extrémité indécente, puisque depuis un mois je n’ai pas donné un sol à ma couturière. Monsieur Petito, je vous parle sérieusement et j’attends de vous une réponse sérieuse. Qu’allez-vous faire, monsieur Petito ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» M. Petito répond :

» — Ma chère Régina, vous me cassez la tête ! Laissez-moi en paix chercher la trace de ces trésors que l’imbécile du dessous est incapable d’arracher au sein profond de la terre.