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AMOUR !… AMOUR !…

— Vieux fou !

— Si vieux que ça ?

— Oh ! vous paraissez toujours dix-huit ans ! Vous devriez laisser pousser votre moustache !

— Elle ne veut pas pousser ! avoua le reporter au désespoir : j’ai beau faire, j’aurai toujours l’air du gamin du Mystère de la Chambre Jaune… et vous m’appelez vieux fou !

— Mon petit Zo, savez-vous comment se dit fou, en turc ? Mahboul ! Oui, vous êtes ça, mon petit père, à cause que vous êtes venu ici dans l’espoir qu’Ivana Vilitchkov, nièce du général Vilitchkov, vous donnerait des « tuyaux » que vos confrères n’auraient point ! Eh ! allez donc, reporter !

— Vous ne me connaissez pas si vous me croyez capable d’indiscrétions qui ne manqueraient point de vous être préjudiciables… »

Et il précisa encore les conditions dans lesquelles il avait entrepris ce voyage dans lequel il devait inaugurer cette série de reportages sensationnels et d’aventures formidables qui a commencé à la guerre des Balkans et qui devait se continuer sur tous les champs de bataille de la grande mêlée mondiale, qui se préparait alors dans la coulisse austro-allemande.

Il était venu à Sofia, surtout parce qu’il aimait Ivana.

Dieu qu’elle était belle, Ivana Vilhitchkov ! Elle avait cet air noble et un peu indomptable des filles de Koprivchtitsa qui sont les plus belles femmes des Balkans. Des sourcils noirs et fins comme de la soie, un visage mat avec une sorte de rayonnement, un front élevé, accusant la haute intelligence, de longs, de splendides cheveux noirs entourant la figure de leurs tresses gracieuses, des lèvres de corail, de grands yeux sombres pleins de lumière, une taille élégante, des mouvements vifs, mais toujours harmonieux, une poitrine de jeune guerrière.

Enhardi par le rire clair de la jeune fille, Rouletabille la provoqua :