Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/134

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avant de se mettre au travail, de connaître les dernières nouvelles, de suivre le feuilleton du jour. Titin, au temps où il arrivait avec l’aurore au marché, avait bien souffert lui-même de cette absence de littérature et c’est en y réfléchissant que lui avait poussé l’idée des « kiosques du Bastardon ».

Leur établissement n’avait demandé comme mise de fonds que la somme nécessaire à l’achat d’un assez grand nombre de sacs. Encore s’était-il trouvé de bonnes gens pour faire crédit… « Je vous donnerai en échange de votre « fric », leur avait-il dit, des parts de fondateurs », et ainsi avait-il monté son affaire en commandite.

Les sacs avaient été accrochés un peu partout, de la place Masséna, qui est le cœur de la ville, aux plus lointains faubourgs. Ceci regardait son chef de personnel qui joignit bientôt à ce premier titre celui d’inspecteur des finances, le beau-frère de Gamba Secca que l’on appelait « le Budeù » (le boyau) à cause de son amour effréné pour les tripes, depuis que sa haute situation dans l’entreprise des kiosques du Bastardon lui permettait de ne se rien refuser.

On voyait quelquefois le Budeù, mais on n’apercevait jamais son personnel.

Et c’est encore aujourd’hui une surprise pour bien des gens que de voir, dès la première heure du jour, des sacs pleins de journaux sentant encore l’encre d’imprimerie, suspendus à un clou planté dans un mur, à une persienne fermée, aux barreaux de cuivre d’une tente de magasin non encore déroulée, sacs que nul ne semble surveiller pendant qu’ils se