Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moules et autres coquillages que l’on mangeait sur place.

Titin reprit donc le chemin de Marseille. Dans le train, il se disait : C’est bien fait ! Tu n’as que ce que tu mérites, Titin ! Au lieu de ne penser qu’à venger ta pauvre mère, tu avais espéré que ton père serait riche et capable de dorer ton lit de noces ! Et te voilà le fils d’un marchand de moules !… Tu peux courir maintenant après les demoiselles ! Si Toinetta apprenait cela, elle en mourrait de rire ! Il vaut mieux qu’elle n’en sache rien, je t’assure !…

Sur les quais du vieux port, il demanda aux écaillères où Menica avait coutume de dresser son éventaire.

— Menica ! Ah ! le povre, il n’est plus marchand ! Ce n’est pas de sa « fote » !… Il a eu des histoires au tribunal à cause d’un milliardaire d’Amérique qui lui avait fait l’honneur de goûter à ses coquilles et qui en est trépassé, lui, sa femme et sa fille. Paraît que c’étaient des moules ramassées aux « Pierres-Plates ». Depuis, il vit comme il peut, c’est pitié ! Tenez le voilà ! Menica ! Eh Menica !

Un pauvre être en guenille passait et c’était miracle que, sous ces haillons, il y eût encore assez de force pour supporter le sac d’arachides qui aplatissait ses épaules courbant en deux ce lamentable déchet d’humanité.

Menica s’arrêta à l’appel de l’écaillère. Visiblement, il chancelait sous son fardeau. Titin le lui arracha et le jeta à la volée sur son épaule. Toute la matinée, il fit la besogne du portefaix. Il ne disait pas un mot et l’autre laissait faire, abruti…