Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/159

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Quand il eut jeté sur un camion le dernier sac de cacahuètes, Titin dit à Menica :

— Viens !

— Qui qu’t’es ? demanda l’autre sans du reste s’émouvoir, car rien ne l’étonnait plus.

— « L’enfant de Carnevale ! » dit Titin…

— Oh ! fit l’autre.

Et il sembla chercher des choses au fond de, sa mémoire.

— Je suis Titin, Titin-le-Bastardon !…

— Le Bastardon ?

— Oui, Menica ! Rappelle-toi ! Les champs de Riguier, le figuier ! La pauvre Tina !… Je suis ton fils, Menica !

L’autre le regarda longuement.

— C’est p’t’être bien possible ! finit-il par dire…

Et puis, après réflexion :

— Mais dis donc, nous étions trois !…

— Tu les connais, les autres ?

— Faudrait que j’y pense, fit Menica en hochant la tête… C’est vieux, c’t’histoire-là ! Mais cristi, que j’ai soif !

— Viens !

Il le fit boire et manger, l’habilla, lui loua un petit coin de chambre dans le vieux quartier de l’Hôtel-de-Ville ; enfin il se conduisit en bon fils et en fut récompensé en réveillant suffisamment les souvenirs confus du pauvre homme, qui se rappelait une énorme soulographie avec un garçon laitier dont il n’avait jamais connu que le prénom, Noré (Honoré), un type très rigolo dont il avait fait connaissance à Olmiez le jour de la fête des Cougourdons, l’année même qui avait précédé ce fâcheux Carnaval et qu’il avait continué à rencontrer,