Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/182

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abominable, a trouvé le moyen de s’introduire dans une honorable famille et il est sur le point de se marier avec une demoiselle Antoinette Agagnosc, que j’aime et qui n’en sait rien, parce qu’un garçon comme moi, pauvre et sans nom, ne va point parler d’amour à une jeune fille riche qu’il ne peut épouser. Mais je donnerais ma vie pour que ce mariage ne se fît point ! Mlle Agagnosc ne saurait être heureuse avec cet horrible Hippothadée (Vladimir) !…

Intervenez, Monseigneur ! faites tout ce qui est en votre pouvoir ! Ne laissez point se commettre cette infamie !… Et vous ne me devrez plus rien !

Après quoi, il signa : « Titin-le-Bastardon, l’enfant de Carnevale, fils de tre païres, chez la mère Bibi, à la Fourca-Nova, Alpes-Maritimes, France »…

Puis, ayant mis sa lettre à la poste, il prit le chemin de la Fourca.

Quand la mère Bibi l’aperçut, elle sauta avec ses chèvres sur le bord du chemin où elle semblait l’avoir attendu depuis qu’il était parti.

Elle l’embrassa en pleurant de joie, puis lui demanda, en le fixant de ses petits yeux clairs et perçants de vieille :

— Es-tu content, Titin ?

— Non, mère Bibi, je ne suis pas content !… Et puis, si tu veux me faire plaisir, tu vas me conduire sur la tombe de ma pauvre maman.

Ils y furent tous les deux.

La terre en était joliment fleurie. Au milieu des fleurs, la mère Bibi avait planté une croix