Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/267

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l’ai porté sans perdre oune instante au Mont-de-Piété et l’on m’a prêté dessus neuf mille sept cent vingt francs cinquante centimes que ze rapporte à monseigneur !…

— Odon Odonovitch, vous êtes un génie ! Un génie un peu dangereux, mais un génie !… (Et Titin rafla tous les billets). Je vous jure que cet argent n’ira pas au jeu… Il nous permettra d’attendre des nouvelles de Transalbanie.

— C’est ce que j’avais pensé, monseigneur ! Cet arzent sera plous en sûreté dans votre poche que dans la mienne.

Et l’excellent Odon se mit à rire aux éclats.

Sa bonne humeur gagna Titin qui se laissa habiller. Le soir même ils faisaient sensation à Monte-Carlo, dans la grande salle de l’hôtel de Paris où, le dîner, présidé au milieu des fleurs les plus rares par la Tchertschanowska, dans une toilette d’une audace incomparable, fut vraiment royal. De nombreuses personnalités vinrent serrer la main de Titin et du comte. La Tchertschanowska était plus que gracieuse pour son amphitryon. Ce fut une belle soirée, vraiment digne du Bastardon de Transalbanie. Elle coûta quatre mille francs à Titin qui laissa un pourboire princier et se retira, derrière la Tchertschanowska au milieu de l’admiration générale et salué jusqu’à terre par la valetaille. Le lendemain il décidait de vivre économiquement en dépit des conseils du comte qui lui affirmait qu’après les somptuosités de la veille, il pouvait tout s’offrir, au moins pendant quinze jours, sans bourse délier. Mais Titin n’était pas encore tout à fait décrassé.