Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/283

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maladroit à tous les exercices du corps et tout chétif, haut sur pattes. Son cou maigre balançait une tête énorme et violacée qui lui avait valu son surnom de « la Tulipe ».

En dépit de ses escapades, Me Clappa ne pouvait se résoudre à se défaire de lui car il était habile aux écritures et avait le secret de bien des gens, de plus il était discret. Il avait commencé comme saute-ruisseau chez un huissier de Torre-les-Tourettes, le bourg qui dresse si pittoresquement ses vieilles murailles au sommet des rochers qui commandent les gorges du Loup.

Il fut un temps où il y avait grande amitié entre ceux de Torre-les-Tourettes et ceux de la Fourca, mais ça s’était gâté depuis, et comme ceci est non seulement de l’histoire mais encore de « notre » histoire il n’est assurément point inutile que l’on sache à quelle occasion.

Ainsi jugerons-nous mieux des mœurs.

Après une partie de « boccia » qui s’était terminée en querelle, les jeunes gens de Torre-les-Tourettes s’étaient vantés qu’ils enlèveraient « l’arbre de mai » que ceux de la Fourca avaient coutume de planter chaque année sur la place de Sainte-Hélène, leur basilique. Prévenus, ceux de la Fourca se postèrent sur les cyprès et les oliviers qui entouraient l’église et lorsque les agresseurs se présentèrent de nuit, ils firent tomber sur eux une grêle de pierres. Ceux qui s’obstinaient à vouloir arracher l’arbre reçurent même quelques coups de couteaux. Un nommé Toton Robin resta sur le terrain et l’on put craindre, pendant huit jours, qu’il ne trépassât.