Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/285

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jouassent au grand dam ou pour le plaisir des filles.

Pendant ce temps le Bastardon grandissait en force et courage, ce fut lui qui mit fin à cette guerre par un exploit mémorable, à la façon dite d’Horatius Coclès.

Au jour du festin de la Fourca, vingt-cinq jeunes gens de Torre-les-Tourettes étaient venus à la porte de l’église pendant vêpres et avaient proféré des paroles injurieuses pour Sainte-Hélène. Poursuivis par le peuple de la Fourca en fureur, ils avaient, tôt décampé, mais pour rentrer chez eux, il leur fallait traverser un petit pont : quelques planches jetées sur le torrent.

Ils y arrivèrent les uns après les autres et trouvèrent là, sur l’autre rive, le Bastardon qui avait fait un détour et les attendait, tapi derrière un olivier.

Notre Titin avait alors quatorze ans. Au fur et à mesure qu’ils armaient et qu’ils s’engageaient sur la planche, Titin les renversait dans le bouillon.

Cependant un nommé Cauvin, le plus fort de tous, réussit à l’empoigner, et, se tenant tous les deux serrés, ils finirent par tomber l’un et l’autre dans le torrent.

Là ils eurent autre chose à faire que de se battre, le torrent, grossi par la fonte des neiges, était dangereux. Il leur fallut sauver ceux qui étaient en train de se noyer.

Dans cette affaire, le Bastardon montra autant de courage à sauver ses victimes qu’il avait mis d’entrain à les précipiter. Cauvin et lui firent merveille, aidés du reste par ceux de la Fourca qui les avaient suivis, si bien