Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/292

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niquait avec la chambre. Elle constata que les riches ne se refusaient rien devant la baignoire qui, du reste, ne servait jamais parce qu’on ne venait pas à la maison rose pour prendre un bain et aussi parce que l’eau n’était jamais chaude.

Elle revint dans le corridor, poussa encore une porte. Elle était dans un salon-salle à manger. Sur la table recouverte d’une nappe toute neuve et « damassée » où l’on avait déposé avec un art d’une simplicité géométrique touchante des violettes et des roses, deux mignons couverts attendaient, encadrés de fourchettes d’argent et de couteaux en vermeil. On eût dit un goûter de poupées si l’importance des fiasques, l’énorme seau où, dans la glace, refroidissait le champagne et la magnifique corbeille de fruits, n’avaient annoncé par leur présence que l’on attendait là des amoureux qui n’avaient point accoutumé de se nourrir, avant et après le déduit, de vaine littérature !

Tout cela était si beau et attestait une telle délicatesse de sentiments dans la manière obligeante d’aller au-devant de ce qui peut plaire, que Nathalie en eut les larmes aux yeux et joignit les mains comme en prière. Mais il n’y avait pas de glace où se mirer dans cette salle et elle retourna dans la chambre où elle put se voir de haut en bas. Elle avait défait son châle. Sa petite robe de jersey la moulait joliment, mais ce qu’elle admirait le plus, c’étaient ses jambes gantées de soie transparente, tête de nègre, et ses escarpins vernis. Pour les bas de soie, dont elle était folle et pour ses petits souliers découverts à hauts talons Louis XV, elle avait dépensé tou-