Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient défoncés et dans la grande rue de la Fourca-Nova, il y avait une boue épaisse et gluante dont les animaux eux-mêmes avaient peine à se dépêtrer.

C’est pourtant dans ce marécage que s’avançaient pieds nus les garçons et les filles en chantant des litanies funèbres. On se serait cru encore au temps des grandes catastrophes qui avaient ravagé la Provence et le comté de Nice, quand la mer faisait fureur, quand la terre tremblait, quand le vent faisait se balancer les maisons comme des roseaux, quand la montagne rugissait et quand les rivières sortaient de leur lit, portant partout le désastre et la ruine.

En tête, sous un baldaquin tout noir et portée sur une plate-forme où l’on ne voyait ni fleurs ni couronnes et que supportaient les épaules de Jérôme Brocard, de Pierre-Antoine, dit Cauva, et des deux Ravibaud, on voyait l’antique image de Sainte-Hélène, toute morne dans ses voiles de deuil.

Derrière marchaient la mère Bibi. Puis c’étaient Toton Robin, le forgeron et ses aides encadrant le maire, ce pauvre petou qui, lui aussi, avait ôté ses souliers.

Le curé n’avait pas voulu venir, prétextant que c’était sacrilège que de faire sortir Sainte-Hélène par des temps pareils, vêtue comme une pauvresse qui n’a plus rien à perdre sur la terre, rien à gagner dans le Paradis. On lui avait répondu que si celle-là n’était point capable de faire retrouver Titin, elle n’avait plus que faire dans son église et qu’on la remplacerait par une autre toute neuve, toute jeunette et toute dorée, et assurément plus