Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/334

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— Taisez-vous ! Pas de mensonges, je vous en prie. Si la pauvre vous entendait ! Non, ne m’embrassez pas, vous êtes un monstre ! Comment ai-je pu me faire le déshonneur de vous céder ! J’ai honte, j’ai honte, Hippothadée… Mais, « péchaire » ! comment vous résister ? Voilà combien de nuits que je ne dors pas ! Le « gros veiller » me fera perdre la vue ! Moi aussi, je pleure que je suis toute seule. « Je vous ajouterai » que jamais je n’ai autant souffert de ma vie !

— Ma Thélise !…

— Tout de même, vous avez bien fait de venir. Cette solitude à deux, en face de notre douleur est plus refroidissante que tout… Encore, elle, elle peut pleurer dans mes bras ! Mais moi ! Moi ! je ne peux pas trop le faire, Hippothadée ! Mon chagrin ne doit être que le sien. Je lui mens ! lui mens ! Pourquoi ne suis-je point morte ? Il ne s’en est fallu de guère !

— Je suis là, Thélise !

— Mon Dieu, que j’ai eu peur, quand ils ont crié : « Mort au « boïa » !

— Ma chère Thélise, quand je suis auprès de vous, il ne faut avoir peur de rien !

— Remmenez-moi tout de suite, Hippothadée !

— J’ai renvoyé l’auto et j’ai bien fait ! Les chemins ne sont pas sûrs, ce soir ! Et puis, ajouta le prince en baisant dévotement ses petites mains grassouillettes, aux ongles trop vernissés, j’ai pensé que vous ne me refuseriez pas l’hospitalité pour une nuit.

Ce fut au tour de Thélise de lui serrer nerveusement la main. Elle était abondamment