Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/345

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— Eh bien ! moi, j’en suis moins sûr que toi, justement parce que je suis là !

— Vous voulez peut-être que je vous descende ?… En tout cas, vous savez, je ne vous reconduis pas à Nice. J’ai mon travail demain matin !

— Écoute, Castel, tu vas m’enfermer à l’intérieur de la voiture, et tu n’ouvriras que lorsque nous serons rendus à la Patentaine.

— Vous avez peut être raison.

Le « boïa » descendit, se fit enfermer avec les ballots, et Castel lança à nouveau sa voiture sur la route. Il voulait rattraper le temps perdu, L’incident ne le préoccupait pas outre mesure. C’était un gars encore jeune, peu impressionnable. Il avait fait la guerre et il ne songeait maintenant qu’à faire l’amour. Or, cette nuit-là, il avait un rendez-vous à la Fourca (comme il a été établi au procès).

Quand il pénétra dans le faubourg, il put tout de suite se rendre compte que, non seulement toute la Fourca-Nova était en rumeur, mais encore que toute la haute ville était descendue. Il eut assez de peine à se frayer un chemin. Au tournant de la, route, il vit la bâtisse de la mère Bibi qui achevait de flamber. La vieille pleurait à quelques pas de là, assise sur une pierre, entre ses deux chèvres qui se serraient contre elle comme pour la consoler. On ne savait pas comment cela avait pris. La petite épicerie avait flambé comme une allumette avec toutes les belles peintures de Titin.

Tous ceux de la Fourca, autour d’elle, étaient dans une rage indescriptible. Quand ils reconnurent l’auto de livraison de la « Bella Nissa », ce ne fut pas long, car ils mettaient la