Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/447

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Cette attaque, pour réussir, devait être foudroyante. On avait apporté force échelles et cordages. Il s’agissait avant tout de délivrer Titin du premier coup. Une torche de résine allumée par la Manchotte, ainsi qu’il avait été convenu entre elle et Nathalie, indiquait à ceux du dehors l’endroit précis où le Bastardon avait été transporté.

Un dernier conseil de guerre, auquel assista Nathalie, que l’on avait apportée sur une civière, finit de régler tous les détails de l’affaire.

En vérité, elle ne pouvait que réussir, car le camp ennemi était en pleine liesse. La prise de Titin avait été le signal d’une extravagante beuverie.

Il était quatre heures du matin quand ce coin de la montagne se transforma en volcan. Des feux multicolores, des explosions de mines, des coups de fusil, des hurlements, des appels désespérés, des cris de douleur atroces, une rage indescriptible qui faisait se ruer les uns contre les autres des hommes, et aussi des femmes ennemies, tout semblait réuni pour donner l’illusion d’un coin d’enfer et de sabbat où chacun de ces malheureux possédés trouverait sa perte et sa damnation.

Dans l’encadrement d’une sorte de galerie creusée à jour au flanc de la montagne, on voyait courir, avancer, reculer, frapper, écraser, broyer de leurs massues dressées ou tournoyantes, deux hommes au torse nu, tout ruisselants du sang des autres, beaux et terribles comme des héros d’Homère. C’était, à un bout de la galerie, Toton Robin et, à l’autre, le Bastardon.