Aller au contenu

Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amour est timide !… Mais si grande qu’ait été ma discrétion, j’avais espéré que vous aviez bien un peu deviné quels étaient mes sentiments à votre égard !…

— Eh ! « monsieur le prince » ! Comment donc l’aurais-je deviné ! répliqua avec sa candeur redoutable Mlle Agagnosc… jusqu’alors, vous n’avez encore embrassé que ma tante et ma cousine !

L’effet fut immédiat et certainement plus complet qu’Hippothadée ne l’avait espéré. Thélise laissa échapper et brisa en mille éclats la carafe avec laquelle elle se versait de l’eau. Quant à Caroline, elle saisit sans plus tarder l’occasion de piquer la première attaque de nerfs de sa vie. Ce tumulte, ces cris troublèrent M. Supia lui-même qui se précipita avec le prince au secours de Caroline. Mlle Lévadette, poursuivie par sa rage de dents, quitta la pièce sous prétexte d’aller chercher un flacon de vinaigre de Bully. Seule, Mlle Agagnosc avait gardé son sang-froid, expliquant posément qu’il n’y avait pas de quoi faire tant de bruit parce que le prince avait embrassé sa tante et sa cousine « le jour de leur fête » !

Est-ce qu’on la souhaitait jamais, sa fête à elle !… C’était peut-être pour cela que le prince ne l’avait pas embrassée !…

M. Supia l’aurait tuée, le prince ne s’occupait plus d’elle. Thélise emportait sa fille dans ses bras. M. Supia voulait l’y aider. Thélise le repoussa sans douceur.

— Je vous en prie, laissez-nous, monsieur Supia, lui dit-elle, vous avez assez fait aujourd’hui le « turluberlu » !